Les politiques. Et moi?

Les Jettois se sont accoutumés, bon gré mal gré, aux imposants travaux de la place du Miroir. Parler travaux, c’est souvent embrayer sur la démocratie locale. Rencontres avec quelques déçus de la vie publique.

Devant vous, des travaux. À droite, à gauche, partout: des tranchées, des engins, une grue, des abris de chantier. Sous vos pieds, un grand trou. Et des traces de boue sur les rares routes restant ouvertes à la circulation. Bienvenue à Jette, place du Miroir – ou plutôt place Reine Astrid, de son vrai nom. Autour de ce centre-ville en pleine réfection depuis deux ans déjà, les commerçants râlent, les habitants espèrent « un mieux », les clients du café « Sportwereld » ironisent sur « les ingénieurs très compétents » qui ont découvert un problème d’aération au parking souterrain en construction, retardant de quelques mois (de plus!) l’aboutissement du projet.

« Pendant qu’eux font des trous, nous, on a des trous dans nos caisses », témoigne Yannick Delforge, 65 ans, patron de la bijouterie « Or-fée ». Il estime la baisse de son chiffre d’affaires entre « 45 et 50% ». « On ne va pas se plaindre, mais on subit. Pour nous commerçants, c’est un coup assez rude. Pourtant, on y croit: là je viens de refaire mes étalages ». Son voisin, Daniel Bouillon (53 ans), le traiteur de « L’Ardennais », confirme: « Je perds entre 15 et 20% de chiffre d’affaires par jour ». En cause, pas seulement les travaux en tant que tels, mais l’absence de parkings pour compenser la disparition temporaire de ceux de la place, et la mauvaise signalisation. « Vous voulez un exemple, demande Yannick Delforge? Imaginez un couple qui vient à Jette en voiture. Il va tourner pendant une demi-heure pour trouver une place. Puis, si j’ai de la chance, il va venir dans ma boutique, acheter des boucles d’oreilles à 20 euros. En rentrant, il retrouvera un PV de 25 euros sur son pare-brise… La commune ne veut rien entendre: on a écrit, on a apostrophé les autorités pour avoir une forme de tolérance envers le stationnement le temps des travaux. Nous ne sommes pas entendus ».

Amanda, jeune maraîchère de 35 ans, pointe aussi la mauvaise signalisation. Son stand de fleurs est trimballé – selon les jours et l’avancée du chantier – entre la place Reine Astrid et des rues attenantes: « Sauf que nos clients n’y comprennent plus rien! Un jour, une dame m’a dit qu’elle ne nous avait pas trouvés, alors que nous étions à quelques mètres de la place ». La jeune femme, poussée à acheter du côté de Gosselies par le prix de l’immobilier trop élevé dans sa commune de cœur, va plus loin: « Personne ne voulait du tram 9 ici! Nous sommes déjà très bien desservis. Est-ce que les politiciens sont allés demander aux habitants qui vont avoir le tram devant chez eux s’ils étaient d’accord? C’était une petite rue tranquille, bientôt les murs vont trembler à chaque fois qu’il va passer. On n’est pas écoutés », tranche-t-elle.

Cette rancœur liée aux travaux du centre-ville n’est pourtant pas partagée par tous les Jettois. Beaucoup attendent, certes avec impatience, le « mieux » qui les attend: une belle place, un parking souterrain de 199 places, une nouvelle liaison avec le centre de Bruxelles via le tramway. « Esthétiquement, ce sera mieux qu’avant, estime Mathieu Vrancken, 34 ans, actif dans le domaine du soutien scolaire. Cela donnera un petit coup de neuf. Paradoxalement, on améliore l’offre de transports publics mais on construit un énorme parking. Mais bon… nous serons gagnants à long terme ». Même les commerçants, les plus durement touchés par la durée des travaux, reconnaissent que la vie sera plus douce sur et autour de la place du Miroir après le printemps 2018.

Reste ce sentiment – mérité ou non pour les élus locaux? – de ne pas avoir assez consulté pour établir ce grand projet. Le fameux « on n’est pas écoutés », qui revient çà et là. Une défiance bien visible dans l’étude « Noir Jaune Blues » publiée début 2017. « Est-ce qu’ils font tout ce qu’ils disent? Est-ce qu’ils tiennent vraiment leurs promesses quand ils sont élus? », interroge Amanda, tout en confectionnant un bouquet de fleurs en ce mercredi de Toussaint. Cette défiance anti-institutions, Roger, un ancien patron de garage automobile de 72 ans, la partage. Buvant une bière avec un ancien apprenti de vingt ans son cadet, il devise: « Je me demande parfois s’il ne faudrait pas casser la figure à tous ces politiques qui piquent dans la caisse. Tous ces Publifin et compagnie… », jaspine Roger, au milieu du si bruxellois « Sportwereld ». Sa solution au problème: « le mandat unique, bien sûr! » Suffisant pour retrouver la confiance abîmée entre politiques et administrés?

A JETTE: POUR VOUS LE BONHEUR, C’EST…

L’enquête « Noir Jaune Blues » montre une société belge plus pessimiste pour l’avenir, plus renfermée. Nos immersions citoyennes sont aussi l’occasion de vous poser une question simple. Existentielle. La seule qui compte vraiment, en réalité. « Quelle est votre recette du bonheur? » Florilège des réponses les plus belles/crues/originales (biffez les mentions inutiles) des Jettoises et des Jettois au cours de nos rencontres.

  • Martine, 58 ans. « Le bonheur, c’est d’abord ne pas avoir d’emmerde: être en bonne santé et continuer sa petite vie avec des amis ».
  • Amanda, 35 ans. « Il faut voir la vie en positif. Et puis avoir le sourire, tout le temps. C’est gratuit! »
  • Claire, 60 ans. « Le secret c’est de vivre l’instant présent. Pouvoir dire merci pour les chouettes choses qui nous arrivent. Et vivre en paix ».
  • Emily, 30 ans. « Je crois que l’important est de trouver un équilibre entre le travail, les amis et la famille. Et ainsi passer de bons moments ».
  • Mathieu, 34 ans. « J’essaye d’être heureux avec peu de choses, avec les instants de la vie quotidienne. Je m’inspire de la ‘sobriété heureuse’ de Pierre Rabhi: apprécier les petites choses de la vie, ne pas croire qu’on sera plus heureux en possédant davantage ».
  • Suzanne, 74 ans. « Ma recette du bonheur c’est avoir des contacts avec les gens qui m’entourent, m’intéresser à eux et découvrir leurs bons côtés. J’adore aussi organiser des voyages pour mes amis ».
  • Touria, 54 ans. « Mon secret, c’est l’amour. On ne fait rien sans amour. Et on ne peut combattre la haine que par l’amour. D’ailleurs je termine toujours mes conversations en disant ‘je t’aime' ».
  • Audric, 20 ans. « Je veux vivre sans regret. Je trouverais horrible de me réveiller un jour et me dire: ‘mince, je n’ai même pas essayé ça’. Je vise haut, quitte à me casser la gueule ».
  • Raphaël, 21 ans. « J’aime la découverte et les voyages! C’est dans la curiosité que je trouve mon bonheur ».
  • Charline, 21 ans. « Je prends les choses comme elles arrivent: faut pas se poser trop de questions! »


sourcehttp://plus.lesoir.be

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